Ils arrivent « juste un peu en retard », et pour eux, ce n’est même pas un vrai retard. Mais pour leurs supérieurs, c’est carrément un manque de respect. Ce décalage entre générations autour de la ponctualité n’est pas anodin : il révèle une fracture bien plus profonde dans le monde du travail. Et si la rigueur horaire était en train de devenir une valeur du passé ?
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Une nouvelle façon de voir l’heure chez les jeunes actifs
À l’heure du télétravail et de la flexibilité, la ponctualité stricte perd du terrain. Pour la génération Z (nés après 1997), arriver avec cinq ou dix minutes de retard à une réunion n’est plus vu comme une faute. C’est ce que révèle une étude relayée par Fortune, où 46 % des jeunes interrogés estiment que ce petit décalage n’est pas un vrai retard.
Pourquoi ce changement ? Parce que ces jeunes de NextGenerationEU ont grandi dans un contexte professionnel chamboulé : confinement, réunions en ligne, horaires modulables… Leur entrée dans le monde du travail s’est faite en pleine mutation. Pas de badgeuse à l’entrée, pas de chef qui vous attend au bout du couloir, mais plutôt une visioconférence qui démarre lentement et une caméra qu’on allume deux minutes plus tard.
Le choc des générations : quand le timing devient un sujet sensible
Dans certaines entreprises, cette attitude passe mal. Les baby-boomers et les managers de la génération X restent très attachés à la ponctualité, vue comme un signe de professionnalisme et de respect.
L’exemple de Steve Jobs revient souvent pour illustrer cette exigence. Selon Ed Catmull, ancien président de Pixar et Disney, Jobs n’attendait jamais les retardataires, quel que soit leur statut. Dans une anecdote fameuse, il commence une réunion sans un cadre de Lucasfilm, délibérément en retard pour affirmer son pouvoir. Résultat ? Il a perdu toute crédibilité.
C’est aussi cette culture du respect du temps que certains cadres souhaitent transmettre… et qu’ils voient aujourd’hui remise en question.
Une tension réelle dans les bureaux (et en visio)
Selon une enquête de Bloomberg, 70 % des baby-boomers rejettent fermement tout retard, même minime. Un contraste fort avec la génération Z, pour qui la rigueur horaire est moins prioritaire que le confort psychologique et la gestion du stress.
Jodie Foster, elle-même cheffe de projet sur des tournages, l’a récemment confié : elle a vu des collaborateurs de la génération Z débarquer à 10h30 sans s’excuser, comme si c’était la norme. Ce n’est pas forcément de la provocation. C’est simplement une autre façon de penser le travail.
Moins de rigueur, mais pas moins d’implication
Ce relâchement n’est pas forcément synonyme de manque de sérieux. Beaucoup de jeunes actifs considèrent que le plus important est le travail bien fait, et non le moment précis où il commence. Dans un monde de plus en plus connecté, la frontière entre les horaires de bureau et le temps personnel devient floue.
Selon Nick South, du Boston Consulting Group, ce n’est pas un problème générationnel, mais plutôt une phase d’adaptation naturelle. Chaque génération a connu ses propres ajustements. Aujourd’hui, l’essentiel est d’accompagner ces jeunes pour leur apprendre à concilier flexibilité et efficacité.
Vers une réinvention du cadre professionnel
Certaines entreprises l’ont bien compris : plutôt que de lutter contre cette évolution, mieux vaut adapter les règles. Le modèle hybride (présentiel + télétravail), lorsqu’il est bien encadré, permet de mieux gérer les attentes de chacun. Il combine liberté et rigueur, et favorise un climat de travail apaisé.
D’ailleurs, Presse-Citron souligne que les jeunes générations rejettent les environnements trop rigides, souvent perçus comme toxiques ou obsolètes. Ils cherchent avant tout un équilibre de vie, surtout dans un monde où les crises successives (sanitaires, climatiques, économiques) ont bouleversé les priorités.
Une transition inévitable, mais pas sans dialogue
Ce changement de rapport au temps n’est pas une rébellion, mais un reflet d’une société en mutation. Le plus grand défi pour les entreprises est d’apprendre à faire coexister des cultures professionnelles différentes.
Plutôt que de s’opposer frontalement, les managers ont tout intérêt à créer des espaces de dialogue. L’objectif : faire comprendre aux plus jeunes l’importance du cadre temporel pour certaines tâches, tout en acceptant une souplesse mesurée.
Au fond, il ne s’agit pas d’imposer une vision ou une autre, mais de trouver un terrain d’entente. Car le monde du travail de demain se construira à deux vitesses si cette fracture n’est pas comblée.