Vous ne supportez pas d’entendre quelqu’un mâcher, renifler ou tapoter nerveusement un stylo ? Ce n’est peut-être pas de l’agacement ordinaire, mais un trouble neurologique méconnu : la misophonie.
Ce trouble, qui toucherait entre 5 et 20 % des adultes, provoque une réaction intense, souvent disproportionnée, face à certains sons anodins pour la majorité. Ces bruits déclenchent non seulement de la colère ou du dégoût, mais peuvent aussi provoquer une véritable détresse émotionnelle. Alors que certains voient cela comme une simple manie, la science révèle qu’il s’agit d’un dysfonctionnement complexe du traitement émotionnel des sons.
Sommaire
Qu’est-ce que la misophonie exactement ?
La misophonie — littéralement « haine du son » — désigne une intolérance extrême à certains sons du quotidien, généralement produits par le corps humain. Il ne s’agit pas d’un problème auditif classique, ni d’une peur du bruit. Le trouble se manifeste par une réaction émotionnelle automatique, souvent vive, face à des sons très spécifiques.
Il peut s’agir de :
- mastications bruyantes
- reniflements répétés
- tapotements nerveux
- clics de stylo
- respirations bruyantes
- ou même du bruit de quelqu’un qui mâche un chewing-gum.
Ces sons, souvent considérés comme « normaux » dans la vie quotidienne, deviennent insupportables pour les personnes misophones.
Une réaction émotionnelle incontrôlable
Les personnes atteintes de misophonie ne peuvent s’empêcher de ressentir :
- une colère soudaine
- un dégoût profond
- une anxiété immédiate
- voire une envie de fuir ou d’agir avec agressivité
Ces réactions sont souvent suivies de symptômes physiques comme une accélération du rythme cardiaque, des tensions musculaires ou une sensation d’oppression. Et surtout, ces réactions ne disparaissent pas immédiatement, même lorsque le bruit s’arrête.
Important : ces personnes ne sont pas dérangées par leurs propres bruits, ce qui différencie clairement la misophonie d’un simple trouble de l’audition ou d’une hyperacousie.
Pourquoi ces sons déclenchent-ils une telle détresse ?
Selon les spécialistes, la misophonie serait liée à une suractivation du cortex insulaire antérieur, une région du cerveau impliquée dans la gestion des émotions et la détection des menaces. Une étude menée par l’université de Newcastle a confirmé que cette zone s’activait de manière anormalement intense chez les misophones, en particulier lors de l’écoute de sons déclencheurs comme la mastication.
Cette réaction pourrait être un résidu évolutif : autrefois, la perception fine de certains sons aurait pu signaler un danger (présence d’un prédateur, propagation d’une maladie, etc.). Aujourd’hui, ce système d’alerte s’emballe chez certaines personnes.

Qui est concerné par la misophonie ?
La misophonie peut se manifester dès l’enfance (entre 8 et 12 ans en moyenne), mais elle peut aussi apparaître à l’âge adulte, parfois après un événement stressant ou traumatisant. Elle touche aussi bien les hommes que les femmes, et semble plus fréquente chez les personnes :
- anxieuses
- très sensibles
- ou présentant un profil créatif ou neuroatypique
Elle est parfois associée à d’autres troubles comme :
- le trouble du spectre autistique (TSA)
- les troubles obsessionnels compulsifs (TOC)
- ou encore des épisodes dépressifs.
À noter : la misophonie n’est pas encore officiellement reconnue comme un trouble psychiatrique dans les manuels de diagnostic, mais les choses évoluent.
Comment poser un diagnostic de misophonie ?
Il n’existe pas de test unique et standardisé pour diagnostiquer la misophonie. Le diagnostic repose surtout sur un entretien clinique approfondi avec un professionnel de santé (psychologue ou psychothérapeute).
Des outils comme l’Amsterdam Misophonia Scale ou le Duke Misophonia Questionnaire permettent toutefois d’évaluer la sévérité des symptômes.
Un avis ORL peut parfois être utile pour exclure d’autres pathologies auditives.
Quels sont les traitements efficaces contre la misophonie ?
Bien qu’il n’existe pas encore de traitement miracle, plusieurs approches peuvent améliorer considérablement la qualité de vie :
Thérapies cognitives et comportementales (TCC)
Elles sont les plus fréquemment utilisées. L’objectif : désensibiliser progressivement aux sons déclencheurs, modifier les pensées négatives associées et apprendre à mieux gérer ses émotions.
Elles peuvent être associées à des exercices de relaxation, de pleine conscience, ou à l’hypnose.

Approches centrées sur la régulation émotionnelle
Certaines techniques comme :
- la cohérence cardiaque
- l’EMDR (traitement des traumatismes)
- l’EmRes (résolution émotionnelle)
peuvent être particulièrement efficaces pour apaiser les réactions excessives et retrouver un meilleur équilibre émotionnel.
Adaptations du quotidien
- Utiliser des casques antibruit ou des sons blancs dans les environnements à risque
- Éviter l’évitement systématique (ne pas fuir toutes les situations sociales)
- Expliquer le trouble à ses proches pour être mieux compris
Médicaments
Dans certains cas, si la misophonie s’accompagne de troubles anxieux ou dépressifs sévères, un traitement médicamenteux peut être envisagé. Il doit toujours être prescrit par un professionnel, en complément d’un suivi psychothérapeutique.
La misophonie : un trouble à prendre au sérieux
Ce n’est ni une lubie, ni de la mauvaise volonté. La misophonie est un véritable trouble neurologique et émotionnel, souvent mal compris, parfois minimisé.
Elle peut avoir un impact important sur la vie sociale, professionnelle et familiale, notamment lorsqu’elle pousse à l’isolement. Heureusement, avec un accompagnement adapté, il est tout à fait possible d’atténuer les symptômes et de retrouver un quotidien plus apaisé.
Comme le rappelle la psychologue britannique Jane Gregory, elle-même atteinte de misophonie : « Ces sons ne sont pas dangereux. Mais notre cerveau, lui, les perçoit comme une menace. Il faut lui réapprendre à les ignorer. »






