Flâner sur le site archéologique de Noviodunum, c’est marcher dans les pas des anciens habitants d’une cité gallo-romaine jadis puissante. Derrière ses ruines et ses quelques vestiges encore visibles affleurant la terre, un patrimoine unique repose partiellement enfoui. Un objet parfois anodin retrouvé par les archéologues peut soudain ranimer l’éclat oublié d’un monument antique. Comment ces objets antiques servent-ils d’indicateurs pour identifier ou localiser une forteresse, un oppidum, ou un chef-lieu de cité ? Le lien intime entre petit mobilier et grands édifices se dessine au fil des découvertes et éclaire la compréhension du territoire.
Sommaire
Noviodunum, la capitale antique cachée sous Jublains
Au cœur de la Mayenne, la petite commune de Jublains abrite l’un des sites archéologiques les plus remarquables de l’Ouest de la Gaule. Ici se trouvait Noviodunum, capitale romaine du peuple gaulois des Aulerques Diablintes. Étendue sur 23 hectares, la cité s’est dotée dès le Ier siècle d’une forteresse, d’un théâtre, d’un temple et de thermes, avant d’être progressivement abandonnée au début du Moyen Âge.
Longtemps enfouie, la ville antique renaît grâce aux fouilles menées depuis le XIXᵉ siècle. Et ce sont souvent de simples objets, retrouvés dans le sol, qui permettent d’identifier ou de localiser un monument disparu.
Quels exemples concrets relient des objets aux monuments de Noviodunum ?
Les méthodes d’interprétation pratiquées aujourd’hui à Noviodunum reposent autant sur l’accumulation d’indices modestes que sur quelques pièces maîtresses. Plusieurs exemples puisés récemment dans les collections du musée archéologique environnant témoignent du rôle central de ces objets pour situer les principaux monuments antiques de la cité.
Grâce à cette approche patiente, chaque découverte prise isolément trouve sa pleine signification une fois replacée dans le réseau complexe des vestiges déjà connus. Petit tour d’horizon de quelques trouvailles emblématiques.
L’autel dédié aux divinités locales
Sur le site principal de Noviodunum, la mise au jour d’un autel taillé dans un bloc calcaire, orné de reliefs représentant trois divinités gauloises, a suscité un vif intérêt. L’analyse du style artistique, conjuguée à l’étude des traces d’encensier autour de la pierre, a permis de supposer la présence d’un monument cultuel majeur à proximité immédiate.
Des fouilles ciblées lancées à partir de ce repère ont ensuite livré d’autres éléments typiques d’une grande place sacrée. Cette association directe entre un objet sacré et les structures alentours illustre concrètement la manière dont le mobilier archéologique guide les investigations.
La monnaie à l’effigie impériale
Dans un secteur périphérique longtemps considéré comme pauvre en vestiges, la découverte inopinée d’une série de pièces de monnaie portant l’effigie de l’empereur Auguste a changé la donne. Leur faible circulation et leur concentration inhabituelle à cet endroit ont interrogé les spécialistes sur une possible fonction administrative du secteur concerné.
En rapprochant ces monnaies de la trace d’un grand mur arasé mis au jour peu après, la thèse selon laquelle il aurait abrité une basilique civile ou une salle consulaire gagne en plausibilité. Ce type de raisonnement basé sur la juxtaposition d’objets antiques reste au cœur de la discipline archéologique appliquée aux cités gallo-romaines.
Le macellum ou la schola
En 1996, les fouilles liées à un lotissement ont mis au jour un grand bâtiment public avec fontaine centrale. Sa disposition face au forum oriente les spécialistes vers une schola, lieu réservé aux corporations, plutôt qu’un simple marché.
Liste d’objets indicateurs potentiels fréquemment rencontrés
- Inscriptions funéraires ou honorifiques
- Mosaïques avec scènes mythologiques ou géométriques
- Fragments architecturaux sculptés
- Monnaies frappées au nom de la cité
- Statues de divinités ou empereurs romains
- Tuiles estampillées de marques administratives
- Amphores commercialisées indiquant des échanges longs-courriers
Chacune de ces catégories, une fois rattachée à son contexte stratigraphique, possède la capacité d’attirer l’attention vers un monument particulier, renforçant le dialogue permanent entre objets et architecture urbaine.
La synergie entre archéologues de terrain, conservateurs, et amateurs locaux s’avère précieuse pour accélérer la reconnaissance du sous-sol de Noviodunum. Plus l’inventaire du musée archéologique s’élargit, plus la topographie ancienne émerge nettement, transformant chaque fragment en un signe potentiel de la grandeur passée de la cité.
De l’objet au musée : un patrimoine vivant
Classé parmi les premiers Monuments historiques en 1840, le site de Jublains a attiré des figures comme Victor Hugo et Prosper Mérimée. Aujourd’hui, ses monuments et ses collections sont ouverts aux visiteurs.
Le musée archéologique de Jublains valorise ces découvertes : autels, inscriptions, monnaies et mosaïques sont exposés aux côtés de frises pédagogiques qui expliquent leur rôle dans la compréhension des monuments. Chaque vitrine rappelle que derrière un simple fragment peut se cacher l’histoire d’un édifice majeur.
Pour en découvrir plus, visitez le musée archéologique départemental de Jublains :
Une cité patiemment redessinée
Les fouilles récentes ne se limitent plus aux monuments publics. Elles révèlent aussi des habitats privés : une demeure de notable dotée d’un chauffage au sol et même des décors peints encore visibles sur les murs. Autant d’indices qui enrichissent la vision de la vie quotidienne dans la cité.
Pris séparément, ces fragments semblent anecdotiques. Mais replacés dans leur contexte stratigraphique et confrontés aux autres données, ils deviennent les clés d’une véritable reconstruction urbaine.
Les fonctions révélatrices des objets antiques
L’histoire de Noviodunum ne s’inscrit pas seulement dans ses murs de pierres érodés. Dans le sol, un assortiment d’objets antiques en bronze, en céramique ou en pierre témoigne silencieusement de la vie quotidienne et du rôle structurant de la cité gallo-romaine. Les fouilles entreprises depuis des décennies ont permis d’associer certains types de mobiliers archéologiques à la présence de monuments précis, tels qu’un temple, un forum ou un théâtre. Ces objets deviennent alors de précieux indices pour exhumer l’organisation urbaine d’une cité gallo-romaine.
La variété des trouvailles faites sur le site réserve bien des surprises. Une simple monnaie gravée, un fragment architectural décoré, ou une statuette votive orientent souvent les recherches vers une portion spécifique de l’ancien chef-lieu de cité. Ces pièces renseignent sur la localisation possible d’un établissement religieux ou administratif, voire sur l’existence d’un monument disparu.
Objets inscrits : guides vers les monuments antiques ?
Certaines découvertes changent parfois le destin des études archéologiques menées sur Noviodunum. Lorsqu’un fragment de dalle porte une inscription latine mentionnant un bâtiment public ou un personnage officiel, chercheurs et conservateurs y voient une carte rare permettant de retrouver l’emplacement ancien d’un monument antique. Par exemple, une dédicace honorant le génie tutélaire de la cité retrouvée lors de travaux récents a aiguillé vers une vaste esplanade, susceptibles d’abriter autrefois un sanctuaire ou une salle publique majeure.
En croisant ce type d’objet avec d’autres sources – cartes anciennes, comparaisons architecturales, inventaires du musée archéologique local –, il devient envisageable de reconstituer le puzzle urbain, parfois jusqu’à deviner les contours d’une forteresse oubliée ou d’un espace festif disparu.
Marques et symboles sur le mobilier utilitaire
Tous les objets exhumés n’affichent pas forcément de texte. Pourtant, certaines marques symboliques gravées dans la pierre ou embossées sur des tuiles peuvent trahir leur fonction initiale. À Noviodunum, plusieurs tegulae (tuiles romaines) portent ainsi le sceau de la légion stationnée sur place, ce qui suggère la proximité immédiate de bâtiments militaires, comme une caserne ou une forteresse intégrée à l’oppidum. Ce sont ces détails apparemment anodins que les experts scrutent attentivement pour dresser une cartographie des monuments antiques disparus avec précision.
De même, des fragments de mosaïques richement colorées trouvées hors contexte, dès qu’ils présentent certains motifs récurrents propres à des thermes ou à un amphithéâtre, guident là encore les prospections vers les zones propices à retrouver de nouveaux vestiges monumentaux.
Dynamique de redécouvertes et valorisation muséale
Le travail minutieux réalisé à Noviodunum ne nourrit pas uniquement les archives scientifiques. Des objets soigneusement sélectionnés intègrent régulièrement les vitrines du musée archéologique, questionnant petits et grands sur l’agencement perdu du chef-lieu de cité. Une frise pédagogique met ainsi en regard des trouvailles du terrain et leurs répercussions hypothétiques sur la connaissance des monuments antiques locaux.
Cette démarche éducative ouvre la voie à une réflexion renouvelée sur l’usage des objets antiques pour reconstituer non seulement une histoire matérielle, mais aussi les connexions sociales, religieuses et politiques qui animaient l’oppidum autrefois. Intimement mêlés aux pierres et aux souvenirs, ces objets racontent les grandes étapes du temps traversé par la cité gallo-romaine, monument après monument, stigmate après stigmate.