Le travail au noir demeure une réalité en France : salariés non déclarés, heures dissimulées, chantiers avec main-d’œuvre payée en liquide, faux auto-entrepreneurs… Ces pratiques nuisent aux travailleurs, creusent la fraude sociale et créent une concurrence déloyale. Dénoncer un travailleur au noir, qu’il soit salarié ou employeur, n’est pas un acte anodin : c’est une démarche protégée par la loi et indispensable pour rétablir l’équité.
Mais comment dénoncer du travail au noir ? À qui envoyer un signalement ? Peut-on rester anonyme auprès de l’URSSAF ou de l’Inspection du travail ?
Voici un guide clair, pratique et utilisable immédiatement.
Sommaire
Comprendre ce qui constitue réellement du travail dissimulé
On parle de travail au noir lorsqu’une activité rémunérée n’est pas déclarée à l’URSSAF ou au fisc. Cela recouvre deux grandes situations :
- La dissimulation d’activité : l’employeur (ou l’indépendant) exerce sans être immatriculé, sans déclarations sociales, ou en masquant une partie de ses revenus.
- La dissimulation d’emploi salarié : absence de déclaration préalable à l’embauche, non-remise de fiches de paie, heures supplémentaires non déclarées, paiement en liquide, ou emploi d’un étranger sans titre de travail.
L’élément clé, c’est la rémunération qui devrait être déclarée et qui ne l’est pas.
Ces cas doivent être distingués des activités légales souvent confondues à tort avec du travail dissimulé :
aide bénévole entre proches, échanges de services gratuits, bénévolat associatif, petites ventes ponctuelles, interventions non rémunérées, ou auto-entrepreneur régulièrement déclaré.

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Dénoncer un travail au noir : où s’adresser selon la situation ?
Selon la situation — salarié non déclaré, heures dissimulées, chantier suspect, travailleur étranger sans titre, fraude fiscale — différents organismes peuvent intervenir, chacun avec des compétences propres.
Il n’existe pas un interlocuteur unique pour signaler du travail au noir.
Voici un tableau clair pour comprendre à qui s’adresser selon le type d’infraction observée.
| Situation observée | Service compétent | Ce que fait l’organisme |
|---|---|---|
| Salarié non déclaré, heures dissimulées | URSSAF | Contrôle, redressements, sanctions financières. |
| Conditions de travail illégales, sécurité, horaires, harcèlement | Inspection du travail / DREETS | Constatations sur place, sanctions administratives et pénales. |
| Fraude fiscale liée au travail au noir | DGFiP | Enquêtes, redressements, majorations fiscales. |
| Travailleur étranger sans titre | Police / Gendarmerie / Préfecture | Enquête pénale, sanctions aggravées pour l’employeur. |
| Travail au noir d’une personne en arrêt maladie | CPAM / Assurance maladie | Enquête, suspension d’indemnités, sanctions. |
| Soupçon de corruption liée au travail dissimulé | Agence française anticorruption (AFA) | Recevabilité du signalement, transmission judiciaire possible. |
Pourquoi signaler un travail au noir ?
Si la pratique semble “banale”, ses conséquences sont profondes :
- Le salarié perd ses droits : pas d’assurance maladie en cas d’accident, pas de retraite, pas de chômage, pas de protection juridique.
- Le particulier employeur peut être tenu responsable en cas d’accident à domicile.
- L’employeur encourt de lourdes sanctions : jusqu’à 45 000 € d’amende, 3 ans de prison, fermeture administrative, redressements URSSAF.
- L’économie est pénalisée : 20 milliards d’euros de pertes par an, et une concurrence déloyale qui fragilise les entreprises respectueuses du droit.
Signaler un cas de travail dissimulé, c’est contribuer à protéger des salariés vulnérables, mais aussi à maintenir l’équité économique.

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Comment dénoncer une personne qui travaille au noir ? Les démarches concrètes
1. L’URSSAF : la voie la plus utilisée, y compris anonymement
La dénonciation anonyme à l’URSSAF est possible et très courante.
Vous pouvez procéder :
- en ligne, via le formulaire de signalement (selon votre région, il existe un formulaire dédié au “travail dissimulé”) ;
- par courrier, y compris anonyme, à l’URSSAF de votre département ;
- avec pièces jointes : photos, messages, horaires, devis, témoignages.
Si l’URSSAF juge le signalement exploitable, elle peut mener un contrôle inopiné.
2. L’Inspection du travail : pour les situations touchant aux droits du salarié
En cas de :
- salaires impayés,
- heures non déclarées,
- emploi étranger sans titre,
- conditions de travail dangereuses,
- harcèlement ou abus,
Vous pouvez contacter l’inspection du travail par mail, téléphone, rendez-vous, ou courrier.
L’inspecteur peut se rendre immédiatement dans l’entreprise ou le chantier.
3. La police ou la gendarmerie
Elle intervient lorsque :
- le travail dissimulé est grave ou organisé,
- il implique des mineurs,
- il touche à la sécurité des personnes,
- ou lorsqu’on a affaire à des filières.
Un dépôt de plainte est possible pour travail dissimulé ou emploi d’un étranger sans titre.
4. La CPAM
Si une personne en arrêt maladie travaille au noir, vous pouvez signaler la fraude à :
- la CPAM,
- l’Assurance Maladie en ligne,
- ou via leur service de lutte contre la fraude.

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Peut-on dénoncer à l’URSSAF de manière anonyme ?
Oui, et c’est explicitement prévu.
L’anonymat est accepté, tant que les informations sont précises, factuelles et exploitables :
- lieu de travail,
- horaires,
- identité de l’employeur ou description,
- pratiques observées.
L’URSSAF ne communiquera aucune information sur les suites données, car ses agents sont soumis au secret professionnel.
Comment constituer un signalement solide ?
Avant de dénoncer, il est utile de réunir des éléments concrets :
- dates et heures observées,
- photos (chantier, véhicule, locaux),
- conversations ou messages,
- devis, annonces en ligne,
- paiements en liquide,
- témoignages.
Plus les faits sont précis, plus l’enquête est rapide.
Les accusations mensongères sont interdites : en cas d’invention volontaire, votre responsabilité peut être engagée. L’objectif est de protéger, non d’accuser sans fondement.
Les sanctions encourues en cas de travail au noir
Les textes URSSAF, DREETS et Code du travail convergent : les sanctions sont lourdes.
Pour l’employeur
- Jusqu’à 45 000 € d’amende (225 000 € pour une entreprise).
- Jusqu’à 3 ans de prison (voire 10 ans en bande organisée).
- Redressement URSSAF sur 5 ans + majorations.
- Suppression de toutes exonérations de charges pendant 5 ans.
- Interdiction d’exercer, fermeture administrative, exclusion des marchés publics.
Pour le salarié non déclaré
Même si ce n’est pas lui qui est juridiquement responsable :
- absence de protection en cas d’accident,
- perte de droits au chômage et à la retraite,
- remboursement de prestations sociales perçues à tort,
- amende possible en cas de fraude organisée (notamment RSA-travail dissimulé).

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Ce qui n’est pas du travail au noir
L’un des points les plus recherchés par les internautes est la distinction entre travail dissimulé et simple coup de main.
Ce n’est pas du travail au noir :
- aider un proche gratuitement,
- faire du bénévolat dans une association,
- vendre un objet de seconde main,
- dépannage exceptionnel et non rémunéré,
- auto-entrepreneur régulièrement déclaré,
- échange de services sans profit.
Le critère essentiel : pas de rémunération destinée à être déclarée.
Comment rédiger une lettre ou un signalement efficace ?
Si vous décidez de dénoncer un travailleur au noir par écrit, votre message doit être :
- factuel,
- neutre,
- daté,
- précis.
Indiquez :
- l’activité constatée,
- identité ou description du travailleur,
- adresse du lieu de travail,
- preuves disponibles,
- période concernée.
La lettre peut être signée ou anonyme.

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Modèle de lettre URSSAF – prêt à envoyer
Objet : Signalement d’une situation de travail dissimulé
Madame, Monsieur,
Je souhaite porter à votre connaissance des faits susceptibles de constituer une situation de travail dissimulé au sein de l’activité suivante :
[Nom de l’entreprise ou identité du particulier employeur si connu], située [adresse complète].Les éléments observés concernent :
- Nature de l’activité : [ex. travaux de rénovation, ménage, restauration…]
- Personnes présentes : [nombre de travailleurs, identité si connue]
- Pratiques constatées : [absence de déclaration, paiement en espèces, horaires non déclarés, absence de DPAE, etc.]
- Période ou dates des faits : [dates précises ou période observée]
- Autres informations utiles : [véhicules utilisés, chantier, responsables identifiés, modalités de paiement…]
Je joins, le cas échéant, des éléments susceptibles d’appuyer ce signalement :
photos, messages, annonces, témoignages, documents, etc.
Ce signalement est effectué de bonne foi, dans le seul but de permettre la vérification d’une situation potentiellement contraire au Code du travail et aux règles de protection sociale.
Restant à votre disposition pour toute information complémentaire, si nécessaire.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
[Signature facultative]
Protection du dénonciateur : vos droits
La loi protège les lanceurs d’alerte :
- anonymat possible,
- interdiction de représailles (article L1132-3-3 du Code du travail),
- recours auprès du Défenseur des droits,
- possibilité de contacter l’Agence française anticorruption si le signalement touche des atteintes à la probité.
📝 Adresse postale du Défenseur des droits (courrier gratuit sans timbre) :
Défenseur des droits – Libre réponse 71120 – 75342 Paris CEDEX 07

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Dénoncer le travail au noir : questions courantes
Vous pouvez signaler un travail au noir auprès de l’URSSAF, de l’Inspection du travail, de la police ou de la DGFiP. Le signalement peut être anonyme et doit comporter des faits précis : lieu, dates, pratiques observées, identité de l’employeur si connue.
Il suffit d’envoyer un courrier ou d’utiliser le formulaire en ligne sans indiquer votre identité. L’URSSAF accepte les signalements anonymes tant qu’ils sont suffisamment détaillés pour être exploitables.
Selon la situation :
– URSSAF pour le travail dissimulé et les cotisations non déclarées
– Inspection du travail pour les droits des salariés et les conditions de travail
– DGFiP pour la fraude fiscale liée à l’activité
– Police ou gendarmerie si un délit est avéré (emploi d’étranger sans titre, danger, organisation frauduleuse)
Les preuves les plus utiles sont : dates et horaires observés, photos, messages, reçus, témoignages, annonces, devis, ou tout élément montrant une activité rémunérée non déclarée.
Oui. Les signalements peuvent rester anonymes et la loi protège les lanceurs d’alerte contre les représailles. L’URSSAF ne communique jamais l’identité du déclarant.
Il y a travail dissimulé lorsqu’une activité rémunérée n’est pas déclarée : absence de contrat, paiement en liquide, heures non déclarées, non-remise de fiche de paie, ou emploi d’un travailleur étranger sans titre.
L’employeur risque jusqu’à 45 000 € d’amende, 3 ans de prison, un redressement URSSAF, la suppression d’aides publiques, et une fermeture administrative. Le salarié non déclaré perd ses droits sociaux et peut devoir rembourser des prestations.
En transmettant à l’URSSAF les informations sur le lieu, les tâches effectuées, les horaires et les pratiques de paiement. Un particulier employeur est soumis aux mêmes obligations déclaratives qu’une entreprise.
Via les formulaires disponibles sur les sites de l’URSSAF, de la DREETS (Inspection du travail), ou en écrivant par mail ou par formulaire sécurisé selon les régions. Le signalement peut être fait sans création de compte.
Non. S’il n’y a pas de rémunération ou si l’aide est purement occasionnelle et amicale, ce n’est pas du travail dissimulé.
Signaler un travail au noir, ce n’est pas “dénoncer pour dénoncer” : c’est protéger des salariés souvent vulnérables, lutter contre la fraude sociale et restaurer l’équité économique. Les démarches sont simples, souvent anonymes, et encadrées pour garantir votre protection.






