À compter de ce 13 novembre 2025, les frais bancaires appliqués lors d’une succession changent radicalement. Longtemps dénoncés comme abusifs, ces frais font désormais l’objet d’un encadrement légal strict, avec des plafonds et des cas de gratuité clairement définis. Une révolution pour les héritiers, souvent pris de court par des factures salées au pire moment.
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Une réforme attendue pour des frais longtemps jugés abusifs
Le décès d’un proche entraîne, outre la peine, de nombreuses formalités administratives. Parmi elles, la clôture des comptes bancaires du défunt, le gel des avoirs, les échanges avec le notaire ou encore le transfert des fonds aux ayants droit. Autant d’opérations jusqu’ici facturées librement par les banques, avec des écarts parfois hallucinants d’un établissement à l’autre.
Une étude de l’UFC-Que Choisir de 2024 avait mis en lumière des frais allant de 80 à plus de 500 € pour une même succession de 20 000 €. Dans certains cas extrêmes, des frais de 200 € étaient prélevés pour un solde de… 500 €. L’expression « impôt sur la mort » n’était pas exagérée.
Face à ces abus, la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025, promulguée après plusieurs tentatives législatives avortées, change enfin la donne. Et à partir de ce jour, les banques doivent s’y conformer.
Un plafonnement inédit : fini les montants imprévisibles
Désormais, les banques ne peuvent plus fixer leurs tarifs au bon vouloir. Deux limites précises s’imposent :
- Plafond de 1 % de la valeur totale des comptes et produits d’épargne du défunt ;
- Plafond absolu de 850 €, révisé chaque année selon l’évolution des prix à la consommation (hors tabac).
Ce plafonnement vise à harmoniser les pratiques et à éviter que les frais ne soient disproportionnés par rapport au montant hérité. Pour rappel, en 2023, le coût moyen d’une succession bancaire s’élevait à 291 €, mais pouvait atteindre jusqu’à 527,50 €.

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Trois cas de gratuité désormais inscrits dans la loi
Pour les successions les plus modestes ou les moins complexes, aucun frais ne peut désormais être facturé. Trois situations sont clairement identifiées :
- Le défunt était mineur au moment du décès.
- Le solde total des comptes est inférieur à 5 910 € (ce seuil évoluera chaque année avec l’inflation).
- La succession est dite « simple », c’est-à-dire :
- Tous les héritiers présentent un acte de notoriété ou une attestation conjointe ;
- Et aucune complexité manifeste ne vient alourdir le dossier.
Qu’entend-on par succession « complexe » ?
Pour écarter la gratuité, la banque doit pouvoir démontrer l’existence d’une complexité manifeste, qui se caractérise par au moins l’un des critères suivants :
- Le défunt n’a pas d’héritier en ligne directe (enfants, parents, conjoints…).
- Il existait un crédit immobilier en cours au moment du décès.
- Des comptes professionnels doivent être clôturés.
- Un ou plusieurs comptes comportent des sûretés (comme un nantissement).
- Un élément d’extranéité est présent (héritier ou défunt domicilié à l’étranger, application d’un droit étranger…).
En dehors de ces cas, la banque est tenue de ne pas facturer les frais de succession.

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Tous les produits bancaires ne sont pas concernés
La nouvelle réglementation s’applique à la plupart des produits classiques :
- comptes courants,
- livret A,
- livret d’épargne populaire,
- livret de développement durable,
- épargne logement, etc.
Mais attention : certains produits sont exclus du dispositif. Les banques peuvent donc continuer à y appliquer les frais qu’elles souhaitent. C’est le cas notamment :
- du PEA (plan d’épargne en actions),
- du PEA-PME,
- du compte PME innovation,
- et du plan d’épargne avenir climat (PEAC).
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Les banques… pas vraiment prêtes
Malgré une entrée en vigueur annoncée six mois à l’avance, les établissements bancaires accusent du retard. Selon une enquête menée fin octobre par MoneyVox, seules 34 banques sur 123 avaient adapté leurs tarifs conformément à la nouvelle loi. Soit à peine un quart du secteur.
Les Crédits Agricoles et plusieurs Caisses d’Épargne figurent parmi les bons élèves. D’autres, comme le CIC ou les Banques Populaires, cherchent des moyens de contourner la réforme. Certains établissements jugent qu’un simple PEA suffit à rendre une succession « complexe » – et donc toujours facturable jusqu’à 1 000 €.
Plus encore, certaines banques introduisent de nouveaux frais annexes, détachés du périmètre de la loi, comme :
- 9,50 € pour le paiement de factures à la demande des ayants droit (hors pompes funèbres),
- 33 € par an pour la réédition des relevés de comptes liés à la succession.
Autrement dit : la réglementation est là, mais les pratiques bancaires pourraient rapidement évoluer pour en compenser l’impact.
Un premier pas vers plus de justice pour les héritiers
Avec cette réforme, le gouvernement répond à une attente forte. Longtemps laissés à l’ombre, les frais bancaires liés à la mort sont désormais encadrés. Un geste fort pour restaurer un peu d’équité dans une période où les familles sont déjà fragilisées.
Mais pour que cette loi porte réellement ses fruits, les banques doivent encore jouer le jeu. Les consommateurs, eux, sont invités à vérifier les frais facturés lors d’une succession et à ne pas hésiter à contester des montants excessifs. Des associations comme l’UFC-Que Choisir peuvent les accompagner.
Car désormais, les règles sont claires, et les abus ne sont plus tolérés.
Sources :
- https://www.service-public.gouv.fr/particuliers/actualites/A18430
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051586300






