Dès qu’on évoque la question « est-ce que l’Ukraine fait partie de l’Europe ? », les discussions se croisent entre géographie, histoire et enjeux politiques. Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce débat s’est invité au cœur des institutions européennes et dans la rue, à Bruxelles comme à Kyiv. Pour beaucoup, l’Ukraine incarne désormais ce pays-frontière où se joue l’avenir du continent européen. Mais qu’en est-il concrètement ? De quels aspects parle-t-on lorsqu’on aborde la place de l’Ukraine en Europe ?
Sommaire
L’Ukraine sur la carte : un ancrage indéniable en Europe
Longtemps considérée comme un pivot entre l’Est et l’Ouest, l’Ukraine occupe une place singulière sur la carte des 50 pays de l’Europe. D’un point de vue purement géographique, elle s’étend sur 603 628 km² à l’intérieur des frontières traditionnellement associées à l’Europe. Ses voisins directs incluent la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie — autant d’États membres de l’Union européenne. À l’ouest, la ville de Lviv s’ancre dans une tradition européenne, tandis qu’au sud, Odessa regarde vers la mer Noire.
Cette situation n’a rien d’anecdotique. L’Europe géographique englobe sans conteste l’Ukraine, au même titre que la France ou l’Allemagne. La frontière orientale du pays longe la Russie ; à l’ouest, elle touche les marges de l’Union européenne, dessinant ainsi une ligne de contact directe entre l’espace post-soviétique et l’Europe institutionnelle.
- Superficie : environ 603 000 km2
- Population (avant 2022) : près de 40 millions d’habitants
- Capitale : Kyiv
- Pays frontaliers : Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Moldavie, Biélorussie, Russie
VOIR AUSSI : Est-ce que la Turquie fait partie de l’Europe ?
Quels liens historiques lient l’Ukraine et l’Europe ?
L’histoire de l’Ukraine est traversée par une alternance d’influences polonaise, austro-hongroise, russe puis soviétique. Pourtant, dès le XIXe siècle, nombre d’intellectuels ukrainiens imaginent leur nation comme partie intégrante du projet européen face aux empires voisins plus autoritaires.
Au sortir de l’indépendance en 1991, après l’éclatement de l’URSS, le pouvoir ukrainien multiplie les gestes symboliques et diplomatiques pour nouer des relations avec l’Union européenne. Dès lors, l’intégration européenne figure sur l’agenda politique, mais reste freinée par la complexité interne et les rapports ambigus avec Moscou.
L’Ukraine, membre de l’Union européenne ?
Une idée largement répandue consiste à assimiler appartenance à l’Europe et adhésion à l’Union européenne. En réalité, ces deux notions restent nettement distinctes. L’Ukraine ne fait pas encore partie de l’Union européenne, mais de nombreux jalons ont été posés ces dernières années vers une possible adhésion à l’Union européenne.
En 2014, le déclenchement de la guerre en Ukraine, suite à l’annexion de la Crimée par la Russie et à l’insurrection armée dans le Donbass, accélère le rapprochement de Kyiv avec Bruxelles. Ce tournant historique impulse la signature d’un accord d’association, lequel renforce les échanges commerciaux, simplifie les déplacements et engage une coopération politique renforcée.
Étape | Date clé | Description |
---|---|---|
Accord de partenariat UE-Ukraine | 2007-2014 | Base de la coopération politique et économique |
Signature de l’accord d’association | 2014 | Renforce les liens économiques et politiques, facilite la mobilité |
Statut de candidat officiel | 2022 | L’Ukraine obtient ce statut et engage officiellement le processus d’adhésion |
Le statut de candidat : une étape majeure
L’attribution du statut de candidat en juin 2022 représente une étape inédite dans les relations Ukraine-UE. Ce geste fort, salué à Kyiv comme à Strasbourg, marque la reconnaissance du dossier ukrainien au sein du projet communautaire. Cependant, l’obtention de ce statut ne garantit pas une adhésion rapide à l’Union européenne. Le processus d’adhésion est encadré par des critères stricts (dits critères de Copenhague) et suppose des réformes sur la justice, la lutte contre la corruption, la stabilité démocratique et l’économie de marché.
Nombre de responsables européens insistent sur la nécessité d’avancer « au mérite », pour éviter de créer des attentes irréalistes. Même si le soutien de l’Europe à l’Ukraine a rarement été aussi massif — tant sur le plan militaire, financier que symbolique — le chemin demeurera semé de défis.
Processus d’adhésion : avancées et obstacles
Confiés à la Commission européenne, les premiers bilans du processus d’adhésion réalisent un constat mitigé. Sur le plan législatif, plusieurs avancées majeures sont reconnues, notamment dans la réforme judiciaire ou la régulation anticoncurrentielle. L’ampleur des transformations exigées reste considérable : chaque directive, chaque règlement, suppose adaptation ou refonte complète de pans entiers de l’administration publique.
L’urgence imposée par la guerre en Ukraine renforce les arguments plaidant pour une intégration européenne précoce. Mais la crainte de « brûler les étapes » hante toujours une partie des capitales occidentales. Les exemples passés de l’élargissement de l’Union européenne conduisent à la prudence, surtout autour des sujets relatifs à l’état de droit et à la démocratie.
VOIR AUSSI : Est-ce que la Suisse fait partie de l’Europe ?
L’Europe politique et le futur de l’Ukraine
La notion d’Europe ne repose pas uniquement sur la géographie, mais aussi sur la construction politique partagée. Selon Jean Monnet, architecte du projet européen, « l’Europe ne se fera pas d’un coup ». Cette phrase s’applique aujourd’hui à l’Ukraine, dont l’intégration européenne met à l’épreuve la capacité du continent à répondre à ses propres valeurs.
Dans les débats à Bruxelles, la question de l’appartenance de l’Ukraine à l’Europe politique divise parfois. Pour certains, son avenir serait indissociable d’une Union européenne renouvelée, capable d’accompagner l’après-guerre, de garantir la paix et la sécurité jusqu’à ses franges orientales. Pour d’autres, les difficultés persistent : poids démographique, coûts financiers, gestion des frontières largement ouvertes ou tensions liées à la diversité culturelle et linguistique.
- Soutien militaire et humanitaire accru depuis 2022
- Ouverture programmée de négociations formelles d’ici la fin de la décennie
- Volonté populaire affirmée d’adhérer à l’Union européenne
Quelles perspectives pour les relations Ukraine-UE ?
Le dialogue entre l’Ukraine et l’Union européenne s’intensifie à mesure que s’allonge la guerre en Ukraine. Des programmes d’aide, des missions civiles et militaires, des visites officielles témoignent du soutien de l’Europe à l’Ukraine. Présente sur tous les fronts, l’Union européenne tente d’épauler la société civile, renforce la coopération en énergie et investit dans la reconstruction post-conflit.
Du côté ukrainien, la volonté d’appartenir pleinement à l’Europe politique s’exprime de manière tangible : drapeaux de l’Union européenne déployés lors des manifestations, adoption progressive de normes européennes, multiplication des voyages officiels auprès des dirigeants européens. Cette effervescence ne cache pas les doutes ni les impatiences, illustrées par les incessantes demandes de calendrier précis pour l’adhésion à l’Union européenne.
- Réformes judiciaires, économiques et institutionnelles attendues
- Processus d’adhésion ouvert mais sans garantie de rapidité
- Solidarité européenne conditionnée à la mise en œuvre de standards stricts
VOIR AUSSI : Pourquoi l’Albanie ne fait-elle pas partie de l’Europe ?
Pourquoi la question européenne reste centrale pour l’Ukraine ?
Pour la population ukrainienne, l’ancrage dans l’Europe géographique relève de l’évidence. La bataille actuelle porte sur l’intégration européenne complète — non seulement sur papier, mais dans la réalité quotidienne. Depuis 2014, des mouvements citoyens réclament chaque jour davantage cette intégration, arguant que seule l’Europe offre une alternative crédible au modèle russe.
Les choix effectués durant la guerre en Ukraine pèseront longtemps sur les équilibres régionaux. S’il paraît acquis que l’Ukraine appartient de plein droit à l’espace européen géographique, son chemin au sein de l’Europe politique, et plus encore son accession à l’Union européenne, demeure l’objet d’un processus d’adhésion long, ardu et chargé d’espoirs d’un côté comme de réserves de l’autre.